Une équipe, c’est un peu comme un humain : elle chemine, évolue, vit une crise d’adolescence, développe des mécanismes de défense, n’agit pas toujours de façon appropriée et parfois tourne mal. Parfois, elle se saborde, se détruit, s’enlise. Et alors tout le corps (les membres) en est affecté. Il y a des groupes malades, dysfonctionnels, malsains. Malheureusement, cela existe et c’est alors dévastateur pour les individus. Il y a de bons leaders, des meneurs, des dirigeants, des gens à la mauvaise place.

Analyser l’équipe

Et il y a les groupes qui apprennent de leurs erreurs, qui se relèvent et qui trouvent des coachs, des mentors, des leaders inspirants. Comment lire votre équipe ? Savez-vous distinguer les symptômes des causes ? Comment identifier les règles implicites ? Et quoi faire quand tout dérape ? Comment intervenir une fois que l’on sait ce qui ne va pas ?

Faire un diagnostic de groupe, c’est comme mener une enquête : on ne sait pas qui sont les informateurs fiables et les faits réels. Les rumeurs s’entremêlent. La mémoire des témoins est floue. Et, souvent, on fait appel à un expert quand la situation a dégénéré parfois de façon dramatique. Est-ce possible de « voir venir » ? Oui ! Est-ce possible de changer le cours de l’histoire, de faire dévier la trajectoire évolutive vers quelque chose de plus sain ? Tout à fait. Mais ce n’est pas de tout repos. Il n’y a pas de baguette magique, de recette miracle.

Approches

Il y a des approches, des principes de base, des aptitudes à développer. Entendons-nous. C’est le même principe qu’avec un enfant. Si vous manquez de constance et de cohérence, si vous essayez plusieurs façons de faire différentes sans aller jusqu’au bout, si votre gestion émotive est précaire, si vous ne faites aucune introspection pour identifier votre rôle dans la dégradation de la situation, alors la problématique risque d’empirer. Ce n’est nullement un reproche, mais un simple constat. Une logique toute simple : si l’équipe va de travers, alors le temps n’arrange pas les choses. Au contraire, il les empire.

Aujourd’hui plus que jamais, les gens sont appelés à travailler en équipe, que ce soit dans des comités, des départements, des directions, des conseils d’administration, etc. La plupart de ces groupes vont connaître des confrontations, des désaccords, des conflits. Les rôles sont souvent mal définis ou mal compris et la radio corridor (les commérages) remplace trop souvent la ligne officielle de communication. L’équipe stagne, son rendement est affecté, les relations s’amenuisent et le leader est alors dépassé par les événements.

Groupe et membres

Rappelons que le groupe est différent de ses membres. En effet, avez-vous déjà remarqué à quel point votre comportement peut varier d’un groupe à l’autre? Personnellement, dans certains cas, je prends en charge les tâches et les gens, je les fais rire, etc. Dans d’autres groupes, je suis discrète, avare de commentaires et je laisse la scène à qui veut la prendre. Chaque équipe a sa propre personnalité et ne fait pas appel aux mêmes aspects de notre personnalité. J’ai vu des enfants être de véritables petits monstres dans une situation et être tout à fait fonctionnels dans un autre type d’encadrement. Ce sont pourtant les mêmes enfants !

Un groupe c’est un ensemble de relations. Celles-ci dégagent une énergie. L’énergie, d’une manière ou d’une autre, tend à se structurer. Cette structure induit et s’incarne dans un fonctionnement. Ce fonctionnement entraîne une évolution.

Maturité groupale

Chaque aspect d’un groupe comprend diverses composantes sur lesquelles on peut intervenir pour l’amener vers plus de maturité. Qu’est-ce qu’un groupe mature ? C’est une équipe qui a traversé les étapes de cheminement. Elle répond désormais à certains critères de cohésion, de saine confrontation, de validité des communications, de décisions prises par réel consensus, de grande créativité au niveau de la tâche, de participation des membres, de respect des différences, d’accointances des besoins personnels et des buts communs, etc.

La plupart des groupes ne sont pas matures. Ils traversent des crises ou stagnent à l’une des phases de développement. Alors, pas de panique si vous avez le sentiment que votre équipe est à la dérive !

Être leader

Or, le premier élément à regarder, c’est son leader. Pas seulement le patron officiel, mais aussi la personne qui exerce une réelle influence sur l’équipe. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’équipe prend la couleur de son leader. Ainsi, votre équipe a, ou aura à plus ou moins long terme, vos forces et vos faiblesses. Elle s’adapte, réagit ou adopte vos mécanismes de défense. C’est donc très important de vous développer continuellement, de vous améliorer.

Être patron

Or, être entrepreneur, gestionnaire ou patron, ça demande des habiletés importantes. Et, parfois, il faut bien se l’avouer, on a l’impression de gérer une garderie. Parce qu’on ne gère pas tant des compétences, des horaires et des tâches. On gère des humains dont les expériences de vie et les états émotionnels vont venir affecter leur niveau de concentration et d’énergie, leur rendement, leur attitude et leur comportement.

Être patron, c’est assumer énormément de responsabilités sans avoir beaucoup de reconnaissance. Cela implique de travailler des heures de fou pendant que les autres se reposent. C’est chercher des solutions et être le guide quand ça ne va pas. Qu’est-ce qui fait tenir le coup et qui entretient la motivation ? Qu’est-ce qui permet de redonner un sens à votre vie professionnelle ?

Impact du leadership

Un patron qui a de la difficulté à gérer les conflits, qui craint les confrontations ou qui ne veut surtout pas se mêler des commérages verra son équipe reproduire ce comportement de fuite et d’évitement. Les leaders négatifs vont alors avoir le champ libre pour établir leur domination sans crainte de représailles.

Inversement, un boss qui utilise les crises de colère pour « recadrer » ses employés, qui leur dit sa façon de penser sans enrobage, sans gants blancs et sans délicatesse ne devrait pas être surpris si ses employés utilisent les mêmes méthodes entre eux, avec des clients, des fournisseurs et des partenaires.

Un gestionnaire dont la capacité d’autodiscipline ne dépasse pas trois semaines aura une équipe peu autonome et présentant des lacunes importantes d’introspection et de responsabilisation.

Trois cas réels

Cas no 1

Premièrement, Samuel est directeur d’une entreprise dans la section agroalimentaire dont il n’est pas le propriétaire. En couple avec sa directrice des ressources humaines, il apprend que cette dernière le trompe avec le représentant syndical. Il s’en suit une rupture amoureuse et un congédiement de sa directrice. Le stress émotionnel est à son comble. Or, le propriétaire de l’entreprise vend à de nouveaux actionnaires étrangers qui ont une vision très différente de la gestion.

Le stress important mine sa santé déclinante. Ses nouveaux patrons lui font sentir qu’il n’est pas dans les plans parce qu’il est un ami de l’ancien actionnaire principal. Il «devrait» entrer dans le nouveau moule, mais il n’y parvient pas. Angoissé, stressé, épuisé, il est impatient, intolérant aux critiques ou aux commentaires. Son équipe ne comprend pas ce qui se passe et, n’étant pas au courant de la pression patronale exercée sur Samuel, s’est mise à craindre le pire, à angoisser, à s’imaginer des scénarios catastrophes et à s’épuiser, tout comme lui.

Cas no 2

Deuxièmement, Suzie est directrice de comptes. L’entreprise pour laquelle elle travaille fusionne avec une autre. Elle ne cadre pas dans la nouvelle approche. On lui propose une prime de départ et des heures de coaching de réorientation de carrière. À ma première rencontre avec elle, elle m’avoue qu’elle a abandonné des études en psychologie il y a près de 30 ans et elle réalise qu’elle n’a jamais choisi un travail qu’elle aimait. Résultat ? Elle est toujours insatisfaite au travail, combat un syndrome d’imposteur et a un ton cassant avec les clients. Or, son patron vit, en secret, exactement le même dilemme.

Cas no 3

Troisièmement, Marc est président d’une firme de technologies. Son associé « ne livre jamais la marchandise » et a des pratiques douteuses. Il passe son temps à gérer les clients insatisfaits des services de l’autre division. Travaillant beaucoup, il donne de la formation, s’occupe des mandats plus compliqués, mais communique peu avec ses employés. Il n’a pas le temps. Ceux-ci sont plus ou moins autonomes, arrivent en retard chez les clients, perdent trop de temps à discuter des problèmes au lieu de mettre en place des solutions et ont de la difficulté à gérer les clients difficiles, qu’ils refilent à leur patron. Marc joue à des jeux d’ordinateur le soir et se couche tard, se lève fatigué. Si bien que, quand un employé fait une gaffe, il se met en colère. Les employés marchent « droit » pendant deux semaines, puis reviennent dans leurs habitudes.

Intervention

Quelle a été ma première intervention ? Tout simplement les faire ventiler. Parce que l’on ne peut pas remplir une tasse qui est déjà pleine ! C’est la même chose avec les employés. Si vous cherchez à leur passer des messages et à leur faire comprendre votre point de vue et qu’ils vous ramènent les problèmes, les obstacles et les difficultés qu’ils vivent, ça veut dire qu’ils ne sont pas en mode écoute. Il faut vider la tasse… les faire ventiler.

Ma deuxième intervention a été de leur rappeler que l’équipe prend la couleur du leader.

Cas no 3

Marc jouait tard, était fatigué et arrivait en retard au bureau… les employés aussi ! Il perdait patience avec eux. Les employés perdaient patience avec les clients qui revenaient se plaindre au patron. Quand les employés faisaient une gaffe ou ne trouvaient pas une solution, Marc les engueulait et allait régler le problème à leur place. Il se donnait le rôle du sauveur. Les employés se sentaient incompétents et se disaient que, de toute façon, Marc allait régler les problèmes.

Pas d’autonomie, pas de responsabilisation, pas d’imputabilité.

Mais Marc n’assumait pas non plus ses responsabilités. Il gardait un associé douteux et en relation de couple malheureuse. Fuyant ses responsabilités dans le jeu, il ne souriait jamais. Il avait beaucoup de regrets et se sentait vieux. La colère avait pris toute la place pour cacher son mal-être.

Cas no 2

Suzie avait appris par sa mère que la vie est un combat, combattons ! Pour elle, la vie était donc difficile. Elle ne pouvait pas avoir ce qu’elle voulait. Elle ne pouvait pas avoir de l’argent puisque, dans son esprit, Seuls les gens malhonnêtes ont de l’argent. La réussite impliquait, dans ses croyances, de frauder ou de tromper quelqu’un. Elle avait donc auto-saboté sa carrière en abandonnant des études qu’elle adorait. Et quand je lui demandais quels étaient ses rêves, elle n’en avait pas. Le vide, voilà ce qu’elle ressentait.

Cas no 1

Samuel avait peur de perdre : perdre son emploi, perdre son statut, perdre sa vie. Il avait tellement peur qu’il ne voyait pas l’évidence. Les nouveaux actionnaires faisaient tout pour qu’il s’épuise et qu’il tombe malade afin de se débarrasser de lui. Ils lui donnaient des informations parcellaires ou erronées pour qu’il fasse des erreurs qu’ils allaient ensuite lui souligner en réunion d’équipe. Le harcèlement est apparu : ils l’appelaient le soir et les fins de semaines pour qu’il n’ait jamais de répit. Des objectifs impossibles à atteindre lui ont été donnés. Et lui ont demandé de mettre à pied 50 % de son équipe. Il était en train de tomber dans le piège.

Paniqué, incapable d’être seul, il a débuté une relation avec une autre employée. Elle s’avère contrôlante, harcelante, envahissante. Cette conjointe lui faisait des crises d’anxiété toutes les semaines. Quand je l’ai rencontré, il avait perdu du poids, faisait de l’insomnie, mangeait peu et mal. Il avait des troubles de concentration et son niveau d’énergie était faible. Il ne savait plus quoi faire et l’indécision est la pire créatrice de stress. La peur était prédominante.

Il fallait donc leur faire comprendre que tout partait d’eux. Et, à partir de cette prise de conscience, il a alors été possible d’intervenir et de changer la situation.

CONCLUSION

En conclusion, l’attitude du leader est déterminante dans le fonctionnement de son équipe. Il est impossible d’être parfait, mais il ne faut pas non plus se cacher derrière cet adage pour ne pas améliorer les aspects de notre comportement qui nuisent à l’équipe. La maturité émotionnelle est cruciale. Elle se développe à force d’introspection, de travail sur soi et d’exercices de développement.

Suggestion de lecture : L’ange-gardien du samouraï

Annabelle Boyer, CRHA, M. Sc. Administration, Génagogue, Synergologue

Présidente d’ABC Solution Développement organisationnel